Bénédiction des voitures
Depuis les années 1945-1950, chaque dernier dimanche de juillet, solennité de la fête de saint Christophe, on bénit les voitures et les voyageurs à Saint Christophe sur Guiers (38380) : les voitures anciennes et celles d’aujourd’hui ; les voyageurs par tout moyen de locomotion.
Pourquoi cette bénédiction à la fête de saint Christophe ?
Parce que saint Christophe, patron des pèlerins et des voyageurs depuis le Moyen Age et invoqué contre la mort subite, est devenu patron des automobilistes au début du vingtième siècle (« l’automobile, instrument de voyage par excellence et grande pourvoyeuse en morts subites, adopta immédiatement Christophe comme saint protecteur. » - Michel Braudeau)
Une tradition solidement ancrée dans le temps…
· A l’origine, le Père Honoré Cayer-Barrioz (1874-1955), curé de la paroisse pendant quarante neuf ans et automobiliste pratiquant !
La bénédiction était programmée après les Vêpres célébrées alors en début d’après-midi. Quelques personnes du village ont encore, qui leur trotte dans la tête, l’air de l’hymne à saint Christophe (1) que l’Abbé Cayer-Barrioz avait commandé à un confrère musicien, le Père Pichat.
· Le Père Laurent Perotto succède au Père Cayer-Barrioz en 1956. Il organise deux kermesses pour financer la rénovation de notre église (peinture et mobilier).
La manifestation phare est un Rallye Surprise : l’automobile est la vedette de la kermesse.
Quelques années plus tard, le Comité des Fêtes reprendra à son compte l’organisation d’un Rallye et organisera certaines fois deux bénédictions : une pour les concurrents au départ du Rallye dès potron-minet suivie d’une autre à une heure plus canonique !
· Le Père Philippe Frenay devenu curé maintient la tradition. C’est lui qui, dans les années 1960, dégote la magnifique statue en bois de saint Christophe qui trône dans notre église et qui, juchée sur le toit d’une belle voiture de collection, ouvre chaque année la Bénédiction. C’est lui qui écrit la prière de bénédiction (2) qui est toujours d’actualité ; elle figure sur l’image de saint Christophe offerte à chaque équipage.
· Le Père Henri Mollard (1912-1995) s’engage avec un enthousiasme communicatif dans cette manifestation de dévotion populaire. C’est sous son pastorat que les voitures anciennes sont invitées pour la première fois à la Bénédiction.
Secondé de son vivant par le Père Régis Montbel, il sera régulièrement remplacé après sa mort dans les « grandes occasions » telle la Bénédiction, par ce prêtre lyonnais fidèle ami et serviteur de notre paroisse … jusqu’au terme du 20ème siècle.
Tradition et … modernité !
Les bénédictions de lieux ou d’objets font partie de la famille des religiosités populaires au même titre que les pèlerinages : aujourd’hui cette famille a le vent en poupe.
Les Chemins de Saint Jacques de Compostelle de plus en plus fréquentés ont fait des émules (Chemin d’Assise au départ de Vézelay – Chemin de Saint Martin reliant Tours à la Hongrie natale du saint sous l’égide de l’Europe. Ces deux chemins passent à Saint Christophe sur Guiers). Le très médiatisé Père Guy Gilbert bénit les motards à la saint Christophe ; pareillement, l’un de ses confrères bretons en réunit des milliers chaque année.
On pouvait lire dans le quotidien La Croix , le 1er juillet 2001 : « Les bénédictions reviennent en force ; réaffirmation d’une certaine foi populaire, elles peuvent se révéler actions priantes et même transfigurantes. »
En 2010, le même journal aborde le phénomène de « la vigueur persistante de la piété religieuse. Extraits du propos du Père Yves Wecxsteen, doyen de la paroisse de Roubaix-Nord :
« Des personnes nous demandent de bénir une gourmette de baptême, leur maison, ou même leur voiture. Cela hérisse certains prêtres qui voient là des pratiques archaïques. Moi j’essaie de voir la foi qui les anime. (…) Il y a beaucoup plus qu’on ne croit dans ces dévotions populaires. A travers ces gestes dont nous ne comprenons pas toujours le bien-fondé, la personne se met en route vers Dieu. Cette démarche mérite mieux qu’une acceptation : une reconnaissance de la personne dans sa liberté et son choix. (…) Aujourd’hui, le véritable enjeu est d’évangéliser ces religiosités populaires. »
Qu’est-ce que bénir ?
· C’est dire du bien de quelqu’un, le louer, le remercier pour un bien reçu ; c’est dans ce sens qu’on bénit Dieu, qu’on lui rend grâce, qu’on chante ses louanges.
· C’est souhaiter du bien, saluer, invoquer la faveur de Dieu. C’est le sens de la bénédiction des voitures : on demande à Dieu sa bénédiction par l’intercession de saint Christophe.
Dans les deux sens, remerciement et invocation, la bénédiction est bien le geste élémentaire du rapport à Dieu.
Qu’est-ce qu’on bénit ?
Bénédiction des automobilistes ou de leurs engins à moteur ? Bonne question ! Réponse : les deux !
· Dieu bénit la personne de l’automobiliste.
· Dieu bénit aussi les objets, en l’occurrence les voitures, qui sont au service des hommes.
C’est pourquoi nous accolons les deux désinences, voitures & voyageurs, à la bénédiction.
(1) Extrait de l’hymne à saint Christophe du Père Pichat (dans notre village la mémoire de l’air est meilleure que celle des paroles ; deux ou trois mots sont incertains …)
Saint Christophe à toi l’hommage
De nos vœux, de notre amour.
Fais que sous ton patronage
Nous restions unis toujours
Et que vivant à ton image
Nous allions au ciel un jour.
(2) La prière de bénédiction des voitures du Père Philippe Frenay
En cette fête de saint Christophe, patron et gardien des voyageurs,
ô Dieu, daigne répandre ta bénédiction sur ces voitures,
oeuvre de l’intelligence et du travail des hommes.
Fais qu’elles soient des instruments dociles à leur service
pour un monde meilleur et plus fraternel.
Accorde à celles et ceux qui les utiliseront
le calme, la patience, le sang-froid, le respect du droit des autres, le pardon des offenses.
Donne-leur la santé de l’âme et la protection du corps.
Par le Christ, Notre Seigneur.